25 avr. « L’arbre il y a deux siècles »

Une conférence qui résonne avec l’actualité, par notre estimé confrère de l’Académie, Christian FELLER.

De nos jours, on attribue à l’arbre un rôle très important dans le fonctionnement de nos écosystèmes continentaux, tant au niveau local que global, par les nombreux services – dits « écosystémiques » – qu’il rend à la société, que ceux-ci soient d’ordre productifs (bois d’œuvre, huiles, substances thérapeutiques), énergétiques (charbon, biogaz, « biochar »), environnementaux (lutte contre l’érosion, l’effet de serre, la perte de biodiversité) ou culturels (bois sacrés, écotourisme, paysages, parcours de santé, etc.).

Mais cette perception globale de la multi-fonctionnalité de l’arbre est-elle si récente ?

La lecture du traité de François Antoine RAUCH, « L’harmonie hydrovégétale et météorologique… », publié en 1802, puis en 1818,est très intéressante à cet égard, car ce discours vieux d’il y a deux siècles, puis totalement oublié, nous est particulièrement familier aujourd’hui.

François-Antoine Rauch est un Mosellan d’origine modeste, ingénieur des Ponts et Chaussées, s’intéressant particulièrement à l’assèchement des marais et lagunes. Dès 1792, il publie un livre au titre un peu utopique « Le plan nourricier ou le moyens à mettre en usage pour assurer à jamais le pain au Peuple Français » avant de publier en 1802 l’ouvrage qui nous intéresse ici1 :

« L’ harmonie hydrovégétale et météorologique, ou recherches sur les moyens de recréer nos forêts, la force des températures et la régularité des saisons par des plantations raisonnées ».

L’ouvrage de 1802 est dédié à Napoléon Bonaparte pour lui proposer, en urgence, un plan de reboisement de la France. En effet, bien que l’arbre à l’époque révolutionnaire fût sacralisé à travers l’« arbre de la liberté », l’un des symboles de la Révolution, la période révolutionnaire, avec la redistribution des terres et les changements dans les droits de transmission, a conduit à une forte déforestation de la France. Un plan de reboisement n’était donc pas inutile. Cet ouvrage a donc une finalité politique.

Pour argumenter son projet, Rauch va développer successivement un discours scientifique (totalement précurseur de l’écologie), un discours productiviste, un discours moral, social et éducatif, et enfin un véritable discours politique avec mise en place d’un « huitième ministère » – l’équivalent des actuels ministères de l’environnement – et bien d’autres institutions ou directives. Évidemment, le paysan qui défriche à tout-va, n’est pas particulièrement valorisé chez Rauch. Cela ne nous surprendrait pas aujourd’hui !

Le projet n’aura (malheureusement) pas de suite, mais avec cet ouvrage, nous avons pratiquement la naissance de l’écologie, tant dans sa dimension scientifique (tout est interdépendant dans la nature) que politique. Si l’on devait qualifier ce livre de nos jours, on pourrait pratiquement l’intituler « L’arbre, ses services écosystémiques et sa gestion dans une perspective de durabilité ».

En conclusion, Rauch apparaît comme l’un des grands précurseurs, si ce n’est le plus important, de l’écologie moderne alors que celle-ci n’émergera qu’à la fin du XIXe siècle avec l’apparition du mot « écologie ».

1 Une version presque identique sera republiée en 1818 sous le titre « Régénération de la nature végétale ».

Informations

  • Quand : jeudi 25 avril 2024 à 18h.
  • Où : salle Pailhon, 8 rue Léon-Alègre à Bagnols-sur-Cèze. Entrée libre et gratuite.
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