par Hervé ABRIEU
Communication du 10 avril 2008
À mon mèstre Robert Lafònt
Table des matières
« Je vous jure que j’ai autant besoin d’interprète en ce pays, qu’un moscovite dans Paris. »
Qui parle ainsi ?
C’est, en 1661, le jeune Racine venu dans la bonne ville d’Uzès en quête d’une prébende et écrivant à son ami La Fontaine. À Le Vasseur, il ajoute :
« Aussi c’est à ce pays, ce me semble, que Furetière a laissé le galimatias en partage, en disant qu’il s’est relégué dans les pays de delà la Loire. »
Il n’est bon bec que de Paris ! Racine qui constate qu’on ne parle point « en ce pays » la langue…de Racine sait pourtant qu’il se trouve dans la « province réputée étrangère » qui doit justement son nom à sa langue, « le Pays de Langue d’oc »… Il ne se sent pas tout à fait en France, les Languedociens non plus :
Pour désigner un canton des provinces dont le français est la langue vulgaire, nous disions de las partidas de Fransa et, aujourd’hui, qu’il est du pays de France. (Sauvages, 1820) [1].
Nos classiques français ont oublié ce que disait Dante au XIVe siècle : il existe trois langues, la langue de si (son italien auquel on pourrait ajouter le portugais, l’espagnol et le catalan), la langue d’oïl (le français) et la Langue d’oc.
Ainsi sont posés par celui qui sera le plus célèbre auteur référent de la langue française et ses pairs, l’ignorance et le mépris dans lequel est tenue la langue de ce qui n’est pas encore le département du Gard.
Langue ou patois ?
Ce mépris, cette ignorance font que les gens du Gard et d’ailleurs disent qu’ils parlent patois. La Révolution a décidé que tous les Citoyens devaient apprendre le français, langue des Lumières, toutes les autres (basque, catalan, breton, corse, alsacien) étant reléguées au rang infamant de patois. Intention louable mais peu « éclairée » puisqu’elle allait contre la réalité scientifique dont les Lumières étaient si soucieuses. L’Histoire de Languedoc de Vic et Vaissette (1735) avait exhumé tous les textes anciens (littéraires et administratifs) en Langue d’oc. Les érudits ont continué cette œuvre et Sauvages a beau jeu de démontrer qu’il s’agit non d’un patois mais d’une langue authentique avec son originalité, l’antériorité de sa littérature. Il ajoute même :
Il n’a manqué à ce prétendu patois pour devenir la langue dominante du Royaume que nos rois eussent pris pour capitale une des villes de la Langue d’oc.
C’est avec cet esprit « éclairé » que nous allons étudier cette langue.
La langue du Gard dans un ensemble : la Langue d’oc
Avant d’étudier cette langue, il importe de la situer dans le vaste ensemble auquel elle appartient. Nous nous appuierons sur quelques exemples tirés de la toponymie – qui reflète bien sûr la langue du pays et qui en restera pour toujours le témoin.
On sait que la Révolution pour faciliter l’administration et détruire les particularismes des « ci-devant provinces » a créé les départements et les a « déshumanisés » en les appelant par des noms géographiques. Notre Gard tire son nom du Gardon raccourci en Gard. Ce mot Gardon désigne la rivière qui se jette dans le Rhône mais aussi la plupart de ses affluents cévenols [2]. Ce nom vient d’une racine indo-européenne qui donne aussi le Var dans l’ensemble d’oc.
Le mot Mas (prononcer mass(e)) court dans toute la Provence jusqu’en Limousin et en Catalogne. On connaît les innombrables Masets (diminutif de mas) si chers aux Gardois et aux Nîmois en particulier. La commune de La Capelle et Masmolène nous fournit un mas et une capelle (chapelle) mot également très répandu.
Les mots bastide et jas ou jasse (bergerie), (la Bastide du Jas de Bouffan de Cézanne) donnent leur nom à d’innombrables lieux-dits, la Bastide-d’Engras, de Goudargues, La Jasse-de-Bernard près d’Alès…
Val a gardé dans notre langue le féminin du latin : la Vallis Clausa de Pétrarque donne notre moderne Vaucluse mis à tort au masculin ! En Lozère, la Valfrancesque a subi une injure que d’aucun jugeront pire : elle a été traduite en Vallée Française ! [3] Le village de Laval-Saint-Roman ou La Chartreuse-de-Valbonne sont deux des très nombreux exemples gardois.
La Canebière de Marseille (lieu où l’on entrepose, tresse ou cultive le chanvre – textile !) se retrouvera aussi dans de nombreux lieux-dits.
On trouve Roquebrune dans les Alpes Maritimes, en Gironde en passant par Rocamadour. Dans le Gard, nous aurons entre autres Roquemaure, La Roque-sur-Cèze, Saint-André-de-Roquepertuis (dont le pertuse a été curieusement francisé… au masculin !)
Le mot aqua du latin donne aiga : d’où nos Aigues-Mortes, Aigues-Vives comme, bien loin de notre département, les Aiguesfonde, Chaudesaigues, Entraygues…
Les Fabre (forgeron, latin faber) et Fabrègue (forge), aussi noms de famille, sont légion.
La liste de ces toponymes qui se trouvent dans cet ensemble d’oc serait sans fin.
On ne peut néanmoins passer sous silence les innombrables noms de lieux qu’ont donnés le suffixe gaulois –ac (-y en France : Orly, Roissy) : Gaujac, Barjac, Quissac…, le suffixe latin –an : Sabran, Codognan… et son élargissement –anicis devenu –argue(s) : Goudargues, Gallargues, le suffixe –on : Cornillon, Lédenon. Ces suffixes ajoutés au nom d’un propriétaire désignaient sa propriété. On les retrouve dans tout le domaine d’oc.
Ces quelques exemples – le lecteur en trouvera une infinité d’autres dans ses promenades – montrent assez que notre département se situe dans le vaste ensemble de la Langue d’oc.
Le nom de cet ensemble
Cette langue qui n’est donc pas spécifique à « cette contrée », s’inscrit dans cet ensemble que, par un curieux effet d’optique, les Catalans appelaient Limousi, les Italiens Proensal et les Franchimands (les Français d’oïl) péjorativement Gascon : il s’agit de la Langue d’oc mais cette expression et son adjectif languedocien sont réservés au Languedoc, les mots provençal, limousin, gascon à leur région respective. Reprenant au latin du Moyen Âge les mots lingua occitana et Occitania, les linguistes modernes appellent maintenant l’ensemble Occitanie et la langue occitan à la suite de nombreux auteurs : Florian (1752, 1794), le fabuliste bien connu, originaire de Sauve dans le Gard, situe « en Occitanie » son « roman pastoral » Estelle [4] (Étoile en occitan) (1790) dont l’action se passe dans ses Cévennes natales. Natif de Ganges (dans l’Hérault à côté de Sauve), Fabre d’Olivet (1767, 1825), dédie en 1820, sa Langue d’Oc Rétablie [5] :
A ma patrie, l’antique Oscitanie (sic) et à mes compatriotes habitant les contrées qui s’étendent des Alpes aux Pyrénées.
Mistral traduira sa formule : « dis Aups i Pirenèus ».
Ce vaste ensemble se subdivise en grands dialectes : à l’ouest le gascon, au nord le nord-occitan et le provençal-alpin et au sud l’occitan moyen où se situe le Gard dans la zone interférentielle entre languedocien à l’ouest et provençal à l’est.
La Graphie
L’occitan n’a jamais cessé d’être écrit, dans le Gard comme ailleurs. Au Moyen Âge s’est créée la graphie des troubadours et de la langue administrative. Mais l’ordonnance de Villers-Cotterêts de François 1er (1539) qui exige que les actes administratifs et juridiques soient exprimés « en langage maternel français (sic !) et non autrement » fera que seul ce français sera enseigné. L’occitan sera condamné à n’être presque plus qu’une langue parlée. Sa graphie ancienne sera oubliée pour un temps…
Viendront alors les graphies « patoisantes ». Par exemple, au XVIIIe, celle de l’abbé Fabre, natif de Sommières (Histoira dé Jean l’an prés) et au XIXe, celle du fabuliste Jean Bigot de Nîmes (Li Bourgadièro). L’Alésien Sauvages essaiera de transcrire les sons propres à sa langue par une graphie très savante mais trop complexe.
Mais ces « patoisants », en plus d’introduire de nombreux gallicismes, en sont réduits à employer des systèmes graphiques tous différents et qui, s’inspirant du système français, pas fait pour leur langue, la dénaturent et rendent leurs textes quelquefois obscurs.
Il faudra attendre le Félibrige [6] (1854) et le succès de la Miréio (Mireille) de Mistral (1859), écrite en provençal rhodanien commun aux deux rives – donc à une grande partie du Gard – pour voir un essai systématique à la fois de graphie et d’épuration de la langue trop « patoisée » par les prédécesseurs. Cependant ce système s’inféoda, lui aussi, au système français, (le digraphe OU) et décida de ne pas noter certains sons qui ne se prononçaient plus en Provence (notamment les S du pluriel) pourtant bien présents dans le Languedoc si voisin – et donc une grande partie du Gard.
Mistral, en linguiste conscient du génie de sa langue, écrivait, vingt ans après la création du Félibrige :
« Il faut expulser hardiment les gallicismes et appliquer à nos dialectes modernes le système orthographique des troubadours du XIIIe siècle. » [7]
On ne saurait mieux dire ! Pourtant il fut finalement la victime du succès de son chef d’œuvre déjà célèbre : ainsi la langue s’emprisonna dans le carcan d’une graphie trop petite pour elle.
Nombreux dans le Gard sont ceux qui, se réclamant peu ou prou du Félibrige, se contenteront de ce système qui ne gêne… que la compréhension de leurs œuvres dans l’ensemble occitan ! Nous ne citerons que le Bagnolais Léon Alègre (XIXe), Baptiste Bonnet de Bellegarde (Vido d’Enfant, 1894), Maurice Poussot de Cavillargues (Caminavo Soulet, 1976) sans compter tous les amateurs à la graphie souvent plus qu’hésitante.
Les félibres ont néanmoins fortement marqué le Gard, surtout dans sa partie provençale : les villes et villages ont donné à leurs rues des noms de félibres. À Nîmes, on trouve les noms des plus obscurs (Charloun Rieu, Louis Roumieux) aux plus grands des « primadier » (fondateurs) (Mistral, Aubanel, Roumanille). Même une rue Coupo Santo, cet hymne éminemment félibréen dans lequel le Midi se reconnaît tout entier et que l’on chante encore souvent à l’issue de nombreuses manifestations.
Restait donc à créer une graphie qui rende compte dans toutes ses variantes de l’ensemble de la langue et donc de la langue du Gard. Pour cela, s’inspirant des recommandations de Mistral lui-même, fut créé le système graphique de l’IEO (Institut d’Estudis Occitans). Il se fonde sur la graphie « des troubadours » en l’adaptant à l’état moderne de la langue. C’est ce système que j’utilise ici.
Le vrai visage de notre occitan
Ce développement, le plus court possible, paraîtra peut-être ardu au lecteur. Cependant, comment rendre compte de l’originalité d’une langue et de son écriture sans ce détour ?
Les exemples seront tirés de la langue du Gard mais pour la plupart il ne s’agit pas de mots particuliers à ce seul département. Nous mettrons en italique le mot occitan, entre parenthèses le mot français, entre crochets la prononciation en utilisant si possible le système français. Les voyelles en gras sont celles qui portent l’accent tonique.
Le jeune Parisien Racine, à Uzès, « pour entendre les autres et se faire entendre » a « quelque fois recours » à l’espagnol et à l’italien qu’il « entend assez bien. » C’est que l’occitan, comme les autres langues romanes du sud, conserve beaucoup des traits du latin dans son accentuation, ses voyelles, ses consonnes, sa syntaxe.
Les voyelles, les accents
[Remarque : un mot de ce texte précédé d’un astérisque (*) indique que ce mot n’est pas attesté par les textes mais reconstitué par les linguistes].
Règle orale et générale, l’accent tonique de l’occitan porte sur l’avant dernière syllabe.
Règle écrite : les accents écrits, graves ou aigus, indiquent toujours l’accent tonique du mot.
Nous ne verrons que les cas qui peuvent poser problème.
Les e, avec ou sans accent, se prononcent [é, è], jamais [œ].
Dans les syllabes non accentuées de l’intérieur des mots, le a latin se conserve comme en français : *bataculare > badalhar, (bâiller).
On voit par ce dernier exemple que se conserve aussi le a accentué, ici celui de l’infinitif mais aussi les autres : mare, pratus, pater donnent mar, prat, paire (mer, pré, père) et, à la fin des mots : vendrà, il viendra
Le digraphe –iá de malautiá (maladie) ou des imparfaits, veniá (il venait) se prononce [-ié] à l’est (provençal), [-io] à l’ouest (languedocien).
Particularité de l’occitan et des langues latines autres que le français, les voyelles finales atones : canta [kanta], (il chante), prene [préné], (prendre), vèni [vèni] (je viens) ont l’accent sur la première syllabe.
Le a des terminaisons du latin reste en occitan. Il est prononcé dans le Gard [o] ou [a]. Il s’écrit a. Capra devient cabra (chèvre). Ces terminaisons se sont réduites en français sous la forme écrite –e… muet, justement ! Mais « muet » pour les Français du Nord, non pour les Méridionaux : le francophone méridional maintiendra cette voyelle en français et il dira la chèvrœ.
Par ailleurs, grâce à cette particularité qu’il partage avec les langues du sud, il les prononcera sans difficulté : macaroni et non *macaroní ; paella et non *paélà !
La conséquence de ce point du vocalisme est d’importance : les linguistes expliquent que, de ce fait, l’occitan maintient l’accent de mot alors que le français « ne connaît plus qu’un accent de phrase ». Ainsi la phrase française : Une petite femme sur la fenêtre qui se réalise en français [ün p’tit fam sür la f’nètr], « avec ses six syllabes toutes atones », sera en occitan du Gard : Una pichòta femna sus la fenèstra « avec ses 12 syllabes d’intensité inégale mais toutes clairement articulées » (P. Bec).
Nous avons là la principale raison de « l’accent du Midi » qui se retrouve, bien sûr, même quand le Gardois parle français.
Le digraphe ou du français ne convient pas à l’occitan où le son [ou] vient d’un o latin. Nous l’écrirons o (ou o) : amorós [amourous] (amoureux).
Le o accentué latin resté [o] s’écrira ò (accent grave). Ainsi sòrt (il sort) de sortir [sourti] (sortir).
Le u [ou] du latin passe à ü comme dans tout le domaine gallo-roman : luna se prononce [lüna]. Les e et le i devant nasale resteront e, i : vent [vèn], vin comme le in de l’anglais.
L’occitan ne connaît pas la différence entre les deux a et les deux o du français qui différencient pâte de patte, paume de pomme. Le n des voyelles nasales finales, résonne à tel point que l’étranger croit y entendre comme le son guttural g : Mamang !
Ces deux traits contribuent également à « l’accent du Midi ».
Diphtongues et triphtongues
Encore une particularité caractéristique de notre langue, la présence de nombreuses diphtongues et triphtongues (deux ou trois sons dans une seule émission de voix) maintenant disparues en français, même si on les y écrit encore (eau, par exemple), ou écrites autrement.
En effet, nos diphtongues ne sont pas toutes inconnues du français.
Aigas-Mòrtas se prononce comme le français ail.
Pour un occitan le slogan : « Lapeyre y en pas deux » est hérétique : aucun rapport pour lui entre La peyre (la pierre) [ey] et la paire [è] ! C’est que è+i ne font pas è et dans le mot pèira (pierre) ils doivent se prononcer [èi] comme dans réveil. Si l’on ne tient pas compte de cette prononciation il est cocasse d’associer Rey (roi) et Faysse (terrasse)…
o+u ne font pas [ou]. Le mot composé anglais cow-boy qui contient deux diphtongues non françaises, permettra peut-être à un « estrangier » de comprendre comment se prononcent les diphtongues o+u (fòu, fou) ; a+u (vau, je vais), o+i (gòi, boiteux). Mais il est tant d’autres diphtongues et tant d’autres pièges ! Tout le monde ou presque aime l’aïoli… mais avec l’accent sur le ò non sur le i : alh+òli=ail+huile…
Plus difficile sera de faire comprendre, et à plus forte raison de réaliser, les triphtongues, spécialité bien occitane. Ainsi le prénom Andrieu (André) devenu patronyme comme abrieu (avril) se prononcent à tort [andri-œ], [abri-œ]. Ils doivent, d’une seule émission de voix, avec l’accent sur le è, être prononcés [Andryèw], [Abryèw]. Essayez et pour vous entraîner dites : Andrièu Abrièu fai caud l’estiu dins ton ostau ! (André Abrieu, il fait chaud l’été dans ta maison !) Répétez ! Après tout, c’est aussi facile que l’anglais !
Les consonnes
L’ancien occitan employait les digraphes -nh-, -lh- pour rendre les sons [-gn-], [-ill-]. Le portugais les a empruntés et leur emploi s’est répandu dans l’ensemble lusophone (Brésil etc.) et même dans la graphie latine que les jésuites ont apprise aux Vietnamiens… On en trouve des exemples dans les actes des consuls de Gallargues [8] au milieu du XVIe siècle : culhir (cueillir), senhor (seigneur) et dans les noms de nos communes : Sernhac, Pouzilhac, Genolhac comme dans les patronymes, Tailhades, Paulhan qui se prononcent [taillade, poillan/polian]. De guerre lasse, Jean Paulhan de l’Académie Française, authentique Nîmois, finira par renoncer à obtenir la prononciation correcte de son nom par ses amis parisiens [9].
Pourtant, nous écrirons : filha (fille), vinha (vigne).
Les s du pluriel, les t des participes passés, les r des infinitifs seront notés même s’ils ne se prononcent pas toujours ni partout dans le Gard.
L’occitan a conservé la plupart des consonnes intervocaliques du latin quitte à les transformer légèrement, d passant à s et t à d : audire (ouïr) devient ausir ; Rhodanu (Rhône) ; Ròse ; fata (fée) fada (et son dérivé bien connu, fadat !) ; cathedra, cadièra (chaise ou chaire) ; de même, *bucata, bugada (buée, lessive) ; et le voyageur rencontrera souvent sur nos routes beaucoup de Bégudes (p.p. fém. de béure, boire), anciens relais où l’on s’arrêtait pour boire.
Voici donc quelques particularités phonétiques de l’occitan et leur graphie. Elles en font une langue originale comme sa syntaxe.
Syntaxe et morphologie
Une originalité remarquable de l’occitan (o(c)) par rapport au français (o+il=oïl) : l’emploi du pronom sujet y est inutile, la personne étant donnée par la terminaison du verbe : Canta (il chante), cantam (nous chantons), comme en latin et dans les autres langues latines du sud.
De même, le passé simple et l’imparfait du subjonctif seront de rigueur : Venguèt ièr (Il vint hier), Aguesses volgut que venguesse (Tu eusses voulu qu’il vînt).
L’impératif négatif sera rendu par le subjonctif : Quita ta camisa !En Abriu, quites pas un fiu ! (Quitte ta chemise ! En Avril ne quitte pas un fil !)
On notera également les formes de l’imparfait qui, comme en latin – et à la différence du français –, distinguent les verbes en -ar (cantar fait cantava, il chantait), des autres (finir : finissiá, il finissait ; venir : veniá, il venait).
Augmentatifs et diminutifs
Une caractéristique encore de notre occitan est l’emploi très courant de l’augmentatif en -às (souvent dépréciatif) : un òme (un homme), un omenàs (un homme grand, fort ou rustre !), una femna (une femme), una femnassa (une femme grande, forte ou…) et des diminutifs –et ou –on (souvent affectifs et qui peuvent s’additionner plaisamment) : un dròlle, un drollet ; un mas, un maset, un maseton, un masetonet, un enfant, un petit enfant ; un mas, un petit mas, un tout petit mas. On trouvera castel, castelàs, castelet… Les mots plan, plana (plaine, place) donnent à Nîmes, planàs, planette (et non planète !).
On le voit, notre occitan est donc bien une langue originale et, comme ses voisines, beaucoup plus près du latin que le français. P. Bec écrit :
Sur les dix-neuf critères discriminatifs (…) quatre différencient notre langue du catalan, huit de l’italien (…) et seize du français.
Voilà qui explique l’impression du jeune Racine…
Les différents dialectales dans le Gard
Ces considérations générales n’empêchent pas les variantes dialectales car le Gard s’étire d’est en ouest, sur 120 kilomètres, d’Avignon et du Rhône au Mont Aigoual et au Causse du Larzac, presque à la longitude de Béziers, et du nord au sud, sur 100 kilomètres des Cévennes à la mer : on ne s’étonnera pas de constater des variantes.
Les quelques communes du canton de Genolhac, coincées entre Ardèche et Lozère, sont dans la zone où le c+a latin, donne cha : la cabra y devient la chabra. En témoignent le nom de communes Chamborigaud, Chambon, de cambo (courbe de rivière) qui donne tant d’autres Cambo : La Cadière et Cambo [10].
Les linguistes tracent une ligne qui irait en s’incurvant vers l’ouest du Bourg-Saint-Andéol en Ardèche, à Gallargues et la vallée du Vidourle (Sommières) jusqu’à la mer : elle est à peu près la frontière schématique entre les dialectes languedocien et provençal-rhodanien. Pont- Saint-Esprit, Bagnols-sur-Cèze, Uzès, Nîmes, Vauvert sont en zone provençale ; Alès, les Cévennes, Sommières en zone languedocienne. Avec bien des nuances d’une zone à l’autre.
La distinction la plus nette entre le languedocien et le provençal-rhodanien est celle des articles définis et adjectifs possessifs pluriels : en languedocien, les coqs, les poules sont los gals, las galinas et en provençal-rhodanien, li gaus, li galinas.
On note aussi la vocalisation du l en provençal : gal/gau ; abril/abriu. Les noms de lieu témoignent de cette mutation : le quartier de l’Euze (yeuse) à Bagnols sur Cèze, de l’Elze à Saint-Jean-du-Gard.
Le s des pluriels, le t des participes passés du languedocien ne se prononcent plus en provençal. Par contre le n final « tombe » en languedocien, le v s’y prononce b : ainsi vin tend vers vi, bi.
Autre notable différence, la marque de la première personne des verbes : canti (je chante) en languedocien, cante en provençal.
Le pronom neutre de « Je le sais » est o [ou] en languedocien (forme affaiblie du latin hoc) et lo [lou] en provençal.
On notera aussi quelques différences caractéristiques de vocabulaire, par exemple la poêle se dira padela à l’ouest, sartan à l’est ; soleil, sorelh, solèu.
Après Racine, amusons-nous à citer… Molière ! Au cours de ses pérégrinations languedociennes, il a été contraint d’apprendre la langue. Dans la farce Monsieur de Pouceaugnac, il fait intervenir une « feinte gasconne ». Citons une de ses phrases :
Plaguesso al Cel qu’aco nou fouguesso pas, et que m’auguessos layssado dins l’estat d’innoussenço et dins la tranquillitat oun moun amo bibio daban que tous charmes et tas troupariès nou me venguesson malhurousamen fayre sourty !
Racine et Furetière appelleraient cela galimatias, c’est – presque – du pur languedocien ! On y trouve tous, tas (tes, masc., fém. ; provençal ti), bibio (viviá : vivait), b pour v, chute du n final (nou pour non), l final non vocalisé (Cel) qui montrent les caractéristiques du languedocien. Les y sont là pour noter les diphtongues : layssado, fayre… et l’on remarquera l’emploi maintenant archaïque en français de l’imparfait du subjonctif : « Plût au ciel que cela ne fût pas et que tu m’eusses laissée… »
Ces principales nuances qui distinguent languedocien et provençal-rhodanien n’empêchent pas l’ensemble d’être fortement cohérent : l’intercompréhension ne trouve aucun obstacle d’une zone à l’autre. Ce qui frappe au contraire c’est une remarquable unité : elle est due, bien sûr, à un fond commun originel mais aussi aux intenses relations d’une zone à l’autre. Relations commerciales, transhumances des bêtes… et des hommes par dralhas e dralhòus. La plus notable est celle des gavots, gens du nord, et leurs migrations saisonnières, à la recherche d’un complément de revenu. On descend faire la mesada (le mois) des vers à soie, les moissons, les vendanges, le charroi du sel… De la plaine, on monte faire paître les troupeaux pour l’estive. Ces échanges, plus nombreux qu’on ne peut l’imaginer, favorisent l’exogamie, et contribuent à la préservation de l’unité linguistique.
Diglossie, gallicismes
La diglossie est un bilinguisme où une langue (ici l’occitan) est considérée comme inférieure. Un gallicisme est l’introduction d’un mot français dans une autre langue. Les deux sont liés.
Le premier gallicisme attesté n’est pas gardois mais il mérite d’être rapporté. Dans les années 1230, dès après le traité qui prépare l’annexion des terres du comte de Toulouse par les Français, le troubadour gévaudanais Sicart de Maruéjols écrit : Aug la cortesa gent/ Que crida Sire ! / Al Francés umilment. (J’entends la gent courtoise/ Qui donne du Sire/ Au Français humblement. [11]) Pour se concilier le vainqueur, les collaborateurs s’humilient à employer le mot français Sire et non l’occitan Sénher. C’est le début d’une longue histoire…
L’Alésien Sauvages, à l’article Maire (mère) de son Dictionnaire (1765), décrit très bien le double phénomène :
On se sert en languedocien du mot maire et de celui de mero selon la condition ou la fortune où l’on est ; les pauvres gens disent ma maire ; les honnêtes gens et ceux du peuple qui sont plus à l’aise disent ma mère. Il en est de même de paire, fraire, sòre au lieu de père, frère, sœur. L’origine de cette différence remonte probablement au temps où le françois s’est introduit dans ce pays ; il y fut sans doute apporté par ceux que les dignités, les emplois ou la fortune rapprochaient plus de la Cour et qui étaient dans le cas d’en parler la langue ou par nécessité ou par vanité. Le françois devint par là comme le caractère distinctif des honnêtes gens : le peuple continue à parler comme auparavant pour ne pas affecter une marque qui semblait n’appartenir qu’aux personnes d’un rang supérieur et les paysans disent à leurs enfants que leur état ne leur permet pas de parler françois…
L’expression « caractère distinctif » nous renvoie à la distinction et aux héritiers, étudiés par P. Bourdieu (un occitan !) [12]. Il y a les « honnêtes gens » (dignités, emplois, fortune, vanité) : ils s’efforcent de parler français. Il y a les « pauvres gens » (peuple, paysans) : ils ne s’en jugent pas dignes…
L’Histoire de la Révolution dans le Gard de Rouvière (1887 et suivantes) présente un très volumineux corpus de textes produits par les différentes instances nouvellement élues : très bon français, quelques très rares occitanismes… Qui donc a fait la Révolution ?
Mais qu’on ne s’y trompe pas. Sauvages encore, qui a fait ses Humanités à Paris, précise dans son Introduction (1765) :
Nous pensons en languedocien avant de nous exprimer en françois. Un homme de lettres qui écrira une harangue, une dissertation en françois pour s’affranchir de la gêne, finira en languedocien un récit commencé en françois qui devient ainsi pour la plupart une langue étrangère…
Langue étrangère… C’est pourquoi il conseille aux prédicateurs de
s’appliquer à instruire familièrement dans l’idiome du pays, au lieu de se piquer de beaux discours français, ce qui est triplement du latin pour le peuple.
En 1819, le pasteur méthodiste Charles Cook venu évangéliser la Vaunage (la plaine entre Nîmes et Sommières) s’irrite de n’être pas compris de ses paroissiens bien qu’il leur parle en bon français ! Jusqu’au milieu des années 1960, beaucoup d’assemblées de toutes sortes, notamment celles des caves coopératives, ne se tenaient qu’en occitan… Le compte rendu en était fait ensuite en français par l’« escrivan », anobli du titre de « secrétaire » et chargé de cacher sous les dehors du français, la langue « vulgaire » de ses mandants ! L’historien moderne est souvent abusé quand il ne se fie qu’à des sources écrites.
De même, le voyageur s’étonnera de ne jamais entendre cette langue : elle est réservée, maintenant plus que jamais, à la sphère privée. Pour montrer sa « distinction », devant un « estrangier » personne n’osera parler cette langue qu’on appelle « patois ». Et quelle honte si échappe parfois le « gros mot » qu’est un de ces occitanismes si cruellement pourchassés par l’école de la République jacobine [13]…
Sous les coups de boutoirs du pouvoir des « honnêtes gens » la langue mène donc une existence clandestine, surtout dans les anciennes générations du milieu rural. Elle se perd peu à peu. École, medias, importante immigration exogène due à l’industrialisation, brassage de populations, ont fait que dans le Gard, peut-être plus qu’ailleurs, la langue progressivement perd du terrain.
Restent cependant ceux qui, par réaction à cette volonté d’aliénation et de négation de leur culture, s’en préoccupent. On peut percevoir ici et là encore des reguignadas (ruades) pour sortir du piège mortel de la diglossie.
Des groupes de manteneire (mainteneurs de la langue et de la tradition) sont très actifs : Lis ami de la lengo d’O à Laudun, Pais Nostre à Bagnols, La Tour Magno à Bernis. L’association d’Alès, Mémoire occitane et lien social a un titre assez clair. Chaque semaine un Reboussier (râleur) tiendra sa rubrique (Alès, Bagnols)… On se rappelle la langue en appelant une crèche du double diminutif les Pichounets (les tout petits), le parc national des Cévennes nomme son organe de presse De Serres en Valats (Par Monts et par Vaux).
Les groupes folkloriques seront Li Galineto (Les Petites Poules) à Bagnols ou Estello d’Or à Meynes. À Saint-Jean-du-Gard, les fêtes seront animées (en mêlant les graphies !) par Boulegan a l’ostal (Nous bougeons à la maison).
Mais deux initiatives remarquables doivent être mises en évidence.
La Marpoc [14] et l’IEO Gard, sans interruption depuis 1976, attirent à Nîmes les meilleurs spécialistes de l’occitan, universitaires français ou étrangers, dans son université d’été d’une semaine…
Par ailleurs, on suit avec plaisir l’expansion des calandretas, ces écoles bilingues français-occitan qui, très nombreuses dans l’Aude et l’Hérault, essaiment aussi maintenant dans le Gard, à Alès, à Nîmes…
Enfin, n’oublions pas que le sud du Gard, une moitié du département environ, cultive les traditions camarguaises fortement exaltées par les félibres. On appelle d’ailleurs ce pays qui déborde sur la partie sud-est de l’Hérault, la Petite Camargue. Certes on y mêle un peu trop l’afecioun provençale à la afición espagnole et les taureaux y deviennent trop souvent d’hispaniques toros… Mais c’est le pays des « manades », des « gardians », des « abrivades », des « brasucades, » des « pégoulades »… Des clubs s’appellent Lou Gandar (Le Vaurien) à Laudun, Lo Bandot à Saint-Laurent-d’Aigouze. On fait partie de la nacioun gardiano, on est afeciouné à la bouvino, (passionné – et très assidûment ! – par les taureaux), on vibre aux « courses libres » avec « raseteurs » (ici, point de mise à mort, bien au contraire !). Les taureaux eux-mêmes, li biòu, animaux sauvages et respectés, sont baptisés de noms provençaux : Vent Larg (vent large), Lou Pounchu (le pointu), Mari Pèu (mauvais poil), Ufanous (orgueilleux)… Parfois, mechantàs, ils « s’encagnent » (très méchants, ils s’irritent)… Bref, ces exemples tirés de la page hebdomadaire Courses Camarguaises du quotidien Le Midi Libre, montrent assez la vigueur de la langue mêlée au français en un savoureux « francitan ».
Le Francitan
Le mot francitan, forgé sur le modèle du « franglais » d’Etiemble, désigne un français mêlé d’occitan. Le phénomène est ancien, on le trouve dans les actes des notaires et les écrits divers. Il s’agit parfois de termes qui n’ont pas de réalité franchimande : mas, olivette ou de mots dont on ne connaît pas la traduction française : fangàs, joncàs (terrain fangeux, où poussent les joncs), la nouriguière, ses lachens et ses nouridours comme l’écrit Jean Vignal, ménager (propriétaire) du Mas de Camp à Sabran pour la truie, ses cochons de lait et ses cochons d’un an [15]. Les textes foisonnent de ces exemples que le chercheur ne pourra comprendre qu’en consultant les dictionnaires de référence (Sauvages, Honnorat, Mistral, Alibert…).
Ce phénomène écrit se retrouve encore plus à l’oral et sa manifestation la plus constante en est l’accent dit « du Midi ».
De nombreux ouvrages rendent compte des expressions et mots francitans : Paroles d’ici de P. Mazodier par exemple [16]. Le Vocabulaire Nîmois [17], témoigne de ce francitan : quoi qu’en dise l’éditeur moderne, il ne s’agit pas « de résonances patoisantes et d’inventions langagières pures » mais de ce francitan qu’on entend encore à Nîmes. Il suffit d’ouvrir ce livre au hasard pour retrouver nos mots gardois familiers : miston, fougasse, coufle… Le langage gardois de tous les jours en emploie bien d’autres : esquicher (serrer), rabaler (traîner), besuquet (délicat), aganter (attraper), capiter (réussir). Liste infinie ! Nous ne pouvons que renvoyer le lecteur à ces ouvrages !
Le voyageur n’entendra jamais ces mots : le Gardois en a trop honte ! Devant lui, il parlera le franchimand le plus pur possible et tâchera même de prendre « l’accent pointu »…
C’est pourquoi il était nécessaire d’instruire les « estrangiers », de les assabentar…
Notes et références
[1] ↑ Boissier de Sauvages, 1820. Dictionnaire Languedocien François. Nouvelle édition. Alais.
Nous utiliserons les deux éditions de 1765 (d’après Lacour, 1993, Nîmes,) et de 1820.
[2] ↑ Fabre P., Dictionnaire des noms de lieux des Cévennes, Bonneton, Paris, 2000.
Les érudits modernes ont artificiellement reconstitué le mot « Gard » d’après le nominatif gaulois inusité (Vardo). Le nom « Gardon » est la seule descendance orale issue de l’accusatif Vardone.
[3] ↑ Le terme Valfrancesca apparaît avant le IXe siècle bien avant que la notion de France existe (XIIe, XIIIe siècle).
[4] ↑ Florian M. de, 1790. Estelle. Roman Pastoral. D’après le reprint de Lacour, 1999, Nîmes.
[5] ↑ Fabre d’Olivet, 1820. La Langue d’Oc Rétablie dans ses Principes. D’après Steinfeld, 1989, Barcelone.
[6] ↑ Forgé sur le mot « félibre », créé par Mistral pour désigner les jeunes poètes de cette « renaissance provençale ».
[7] ↑ Bec P., 1967. La Langue Occitane. Que sais-je ?, Paris.
[8] ↑ Herrmann A., 1999. Gallargues au XVIe siècle. L’Harmattan.
[9] ↑ Liger Chr., 1984. Histoire d’une famille nîmoise : Les Paulhan. NRF, Paris
« Mon nom a toujours dû se prononcer Paulian : le LH est mouillé en occitan. J’ai eu le courage chaque année de dire “Mon nom n’est pas Paulan mais Paulian”. C’est un courage que je n’ai plus. »
Paulhan, linguiste et grand lettré, gardien farouche de la NRF, le plus illustre éditeur de son temps fut celui pour qui sa maîtresse, sous le pseudonyme de Pauline Réage, écrivit le roman mondialement connu, Histoire d’O…
[10] ↑ Fabre P., 1995. Noms de lieux du Languedoc. Bonneton.
[11] ↑ Lafont R., Anatole Chr., 1970. Nouvelle Histoire de la Littérature Occitane, Tome 1. PUF, Paris.
[12] ↑ Bourdieu P., 1970. La Distinction. Ed. Minuit, Paris, et Bourdieu P., 1987. Les Héritiers, Ed. Minuit.
« Bourdieu » est un anthroponyme tiré de « bòrda », ferme.
[13] ↑ Voir sur cette répression : Serre Aimat, 1988, Bogres d’Ases (Bougres d’Ânes), Salindres. Le titre est assez éloquent !
[14] ↑ Maison pour l’Animation et la Recherche Populaire Occitane.
[15] ↑ Rhodanie 5, 6, 7 Bagnols 1982/83.
[16] ↑ Espace Sud, Montpellier, 1996.
[17] ↑ Réédition sans nom d’éditeur ni de date (fin des années 1990), d’après l’édition originale de Joblot, 1919.
Voir sur cette répression : Serre Aimat, 1988, Bogres d’Ases (Bougres d’Ânes), Salindres. Le titre est assez éloquent !
[14] ↑ Maison pour l’Animation et la Recherche Populaire Occitane.
[15] ↑ Rhodanie 5, 6, 7 Bagnols 1982/83.
[16] ↑ Espace Sud, Montpellier, 1996.
[17] ↑ Réédition sans nom d’éditeur ni de date (fin des années 1990), d’après l’édition originale de Joblot, 1919.
Crédits photographiques
- Aigues-Mortes par shoplifter-too (CC:BY-SA)
- Frédéric Mistral, projection sur le Palais des Papes par Angelus YODASON (CC:BY-SA)
- Olives par Julia Maudlin (CC:BY)
- Le puech de Cougouille, point culminant du plateau du Larzac par Musaraigne (CC:BY-SA)
- Course Camarguaise – Don’t slip par Alex Brown (CC:BY)